La guerre comme espace de contact au XIXe siècle
La guerre comme espace de contact au XIXe siècle : journée d’étude (Institut d’études avancées-Institut historique allemand, Paris, 28-29 juin 2018.
Appel à contribution
L’histoire militaire a accompli un long chemin depuis les cinquante dernières années. Une chaîne de télévision populaire, comme History Channel, ainsi que les biographies des grands généraux présentes dans les rayons de nombreuses librairies, pourraient faire croire, à première vue, que ce domaine est toujours accaparé par des historiens fascinés par leur objet et tournés vers un public majoritairement conservateur. Cependant, l’émergence de la nouvelle histoire-bataille et celle de l’histoire culturelle de la guerre ont considérablement enrichi notre compréhension du phénomène guerrier. Nous connaissons aujourd’hui beaucoup mieux que naguère la multiplicité des liens qui relient l’armée et la société, tout comme les modalités de la confrontation des soldats et des civils à la violence. Nous savons qu’au lieu d’être une situation exceptionnelle et marginale, la guerre constitue un des facteurs les plus puissants d’évolution à l’intérieur d’une société. Il suffit de prendre un seul exemple marquant venu des temps modernes : celui de la conscription. L’introduction du service militaire universel depuis la fin du XVIIIe siècle n’a pas seulement transformé la manière dont les sociétés occidentales ont expérimenté leur rapport à la nation, elle a aussi construit une vision qui excluait les femmes des affaires de la cité, dans la mesure où, incapables d’accomplir leur service, elles ne pouvaient accéder aux avantages de la citoyenneté. De même, l’émergence de l’État providence est impensable si on ne prend pas en considération les revendications adressées dans le sillage des campagnes militaires par les soldats-citoyens blessés et démunis à leur gouvernement
Alors que les conflits armés sont indéniablement destructeurs sur le plan humain et matériel, ils ont également eu des répercussions positives inattendues. L’historienne allemande Ute Frevert a judicieusement qualifié les guerres « d’événement inter et transnationaux par excellence » dans la mesure où aucun autre phénomène – à l’exception des migrations – ne met en contact aussi étroit un aussi grand nombre d’individus. Napoléon a échoué à fonder un Empire européen durable, mais les vétérans de la Grande Armée ont pu se vanter d’avoir acquis une familiarité avec toute l’Europe après avoir marché sur tout le continent pendant un quart de siècle. Bien entendu, quand de telles quantités d’hommes entrent en contact ou interagissent avec les civils, la nature de ces rencontres diffère profondément. Certaines peuvent être pacifiques et propices à la formation d’une connivence qui peut se transformer en « fictive kinship » (Jay Winter) entre soldats, tandis que les atrocités et les exterminations de masse se situent à l’autre extrémité du phénomène. Les deux bouts du spectre ont fait l’objet de nombreux travaux pendant les dernières décennies, grâce à un processus de fertilisation croisée des approches interdisciplinaires. Il n’est par exemple plus pensable d’aborder le moral et l’efficacité des troupes au combat sans se référer aux approches sociologiques et anthropologiques qui expliquent l’esprit de corps. De même, les recherches concernant les crimes de guerre ont souligné l’utilité d’une analyse précise des facteurs psychologiques à l’origine de la violence et d’une prise en compte du rôle joué par l’espace dans lequel elle se déploie. Enfin, les apports de l’histoire transnationale et globale nous rappellent que toute lecture de la guerre en terme de rencontre doit s’appuyer sur un solide soubassement en l’histoire culturelle, tout particulièrement afin de cerner l’évolution des formes de la communication et de transferts de connaissance.
Fondés sur ces présupposés, cette journée d’étude se propose d’initier un débat sur les formes de la rencontre et celles des transferts en temps de guerre pendant un “long dix-neuvième siècle” (1789-1914). Dans un deuxième temps, nous souhaitons travailler sur la manière dont les historiens utilisent les nouvelles méthodes numériques et transforment les études de cas de façon à rendre leurs résultats plus largement accessibles. Le choix de cette période est déterminé par la richesse de ses multiples innovations dans des domaines comme la communication, les transports de masse, l’armement, le droit international concernant la conduite de la guerre, qui ont alimenté une fructueuse réflexion sur le fait de savoir si le XIXe siècle ouvrait la voie à la totalisation de l’activité guerrière ou s’il devait être évalué en ses propres termes.
L’objectif général de cette journée d’étude est de regrouper une équipe de chercheurs susceptibles de répondre à de nouvelles questions parmi les suivantes (mais la liste n’est pas exhaustive) :
- Dans quelle mesure la proposition du sociologue P. H. Gulliver selon laquelle les différents comportements à l’œuvre dans des situations transculturelles sont « pour l’essentiel semblables en dépit de différences sensibles d’intérêts, d’idées, de valeurs, de normes, de croyances » entre les parties concernées, est-elle historiquement étayée ?
- Comment la société domestique perçoit-elle et interprète-t-elle les rencontres avec les prisonniers de guerre, qu’elles soient réelles ou imaginaires à travers les images, l’art et les sources littéraires ?
- Comment la loi modèle-t-elle les rencontres en temps de guerre ? Quel rôle jouent ici le genre, la race, l’appartenance sociale, la religion ?
- Enfin, si la guerre peut être perçue comme « un théâtre moral » qui permet aux soldats d’afficher leurs qualités viriles, comme l’affirme Michael Ignatieff, en quoi la conceptualisation de la guerre en termes d’espaces de contact peut-elle être utile aux historiens pour appréhender la dimension performative du combat ?
Cette journée d’étude se déroulera sur deux jours à l’Institut d’études avancées et à l’Institut historique allemand les 28 et 29 juin 2018 à Paris. Les propositions en lien avec les thèmes de recherche évoqués plus haut seront privilégiées, particulièrement lorsqu’elles émanent de jeunes chercheurs. Les organisateurs se proposent de prendre en charge les frais de déplacement de tous les intervenants dans la limite des fonds disponibles. Merci de fournir un résumé (200 mots) de votre intervention accompagné d’un CV d’une page en anglais ou en France à l’adresse suivante : warascontactzone@gmail.com jusqu’au 15 février 2018.
A bientôt,
Jasper Heinzen (Institut d’études avancées de Paris/University of York)
Mareike König (Institut historique allemand de Paris)
Odile Roynette (Université Bourgogne-Franche-Comté)
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