Traduire l’image / dépasser le langage. Art(s), littérature et philosophie
Journée d'étude organisée par Ioulia Podoroga, résidente de l'IEA de Paris, avec le soutien du Centre Jean Pépin (ENS)
Présentation
À la charnière du XIXe et du XXe siècles, les avant-gardes ont radicalement dissocié, aussi bien dans le langage que dans l’image, la fonction communicative et la fonction expressive, en privilégiant plus franchement la dernière. La pure expression s’est manifestée indépendamment de la référence au monde extérieur, que ce soit dans la peinture avec l’abandon de la fonction mimétique, ou dans la poésie, se délestant de la fonction dénotative du langage. Par cette dissociation, les deux arts (la peinture et la poésie) ont voulu révéler l’essence intime de tout art : son caractère autonome, ce qui signifie surtout son infigurabilité dans des formes empruntées au monde extérieur, son caractère foncièrement inobjectivable. Chaque art, ayant retrouvé sa singularité, résiste à sa traduction c’est-à-dire à son appropriation par le biais de moyens extérieurs – à une ekphrasis dans le cas de la peinture, ou ut pictura poiesis dans le cas de la poésie. En philosophie, depuis Bergson et Husserl, la question porte également sur les limites de la langue, sur l’inadéquation profonde entre le contenu singulier d’une pensée originale (« intuition » chez Bergson) et les moyens dont dispose la langue pour les appréhender et exposer sous forme de problème. Dans chaque système philosophique se cache donc l’impensable qui en même en détermine profondément l’agencement. L’innommable dans le langage, l’infigurable dans l’art et l’impensable en philosophie marquent les foyers de cette résistance et rendent chacune de ces pratiques opaques pour l’autre lui réservant son noyau de singularité.
Par le biais de ces rencontres interdisciplinaires, nous entendons explorer cette dimension secrète qui constitue le propre de chaque art et/ou pensée, en croisant différentes tentatives de traduire ce qui reste inexprimable d’une discipline vers une autre. Que traduit-on, lorsqu’on traduit un poème d’une langue vers une autre ? Cette question banale permet de basculer vers d’autres questionnements. Comment et pourquoi utilise-t-on le langage pour exprimer (expliquer/comprendre/éprouver/transmettre) une image ? A-t-on besoin du langage pour voir, ou de l’image pour parler ? Comment et pourquoi le langage conceptuel, en philosophie, cède-t-il imperceptiblement la place aux images, voire à l’Image ultime de toute pensée ?
Tandis que la question du figurable et du nommable est, en effet, régulièrement traitée en philosophie et théorie de l’art, il s’agit pour nous de faire un saut périlleux en croisant plusieurs pratiques : écriture (littéraire et poétique), art visuel (peinture, architecture), pensée discursive (conceptuelle) du philosophe.
Programme
Mercredi 7 juin
10h00 - 10h15 Mot d’ouverture
10h15 - 11h00 Le langage des langues, avant, pendant, après
Michel Deguy (poète, philosophe)
11h00 - 11h45 Iconologie et esthétique
Serge Trottein (CNRS - Centre Jean Pépin)
11h45 - 12h15 Pause
12h15 – 13h00 L’art de l'abstraction : peinture, poésie, philosophie
Ioulia Podoroga (IEA de Paris)
13h00 – 14h30 Pause déjeuner
14h30 - 15h15 Léon Bakst et la Grèce archaïque : une ekphrasis nietzschéenne
Olga Medvedkova (CNRS - Centre Jean Pépin)
15h15 - 16h00 L’image-dépouille. Des masques mortuaires chez Blanchot et Heidegger
Emmanuel Alloa (Université de Saint-Gall)
16h00 - 16h30 Pause
16h30 - 17h15 Représenter l'idée de Justice? Remarques à propos du dialogue de Battista Fiera De Justicia pingenda (1531?)
Valérie Hayaert (IEA de Paris)
17h15 – 18h00 L’Hybridation des arts : généalogie et enjeux d’un crédo contemporain
Carole Talon-Hugon (Université Nice Sophia Antipolis)
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Les allégories de justice en Europe. La pensée symbolique d’une forme incarnée (ca. 1450-XXIe siècle) 01 février 2017 - 30 juin 2017 Pouvoirs de l’abstraction. Circulations du concept d’abstrait, autour de Kandinsky (France, Allemagne, Russie) 01 octobre 2016 - 30 juin 2017 |
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