The Condemned Man's Two Bodies: Variations of Abolitionist Poetics in Hugo
Intervention d'Eve Morisi, résidente à l'IEA de Paris, dans le cadre du 14ème Congrès Annuel de la Society of Dix-Neuviémistes, sur le thème du Corps.
Présentation :
Cette communication examinera le rapport au corps en jeu dans la production littéraire sans précédent de Victor Hugo ayant trait à la peine de mort. Elle privilégiera notamment les récits de jeunesse que furent Le Dernier Jour d’un condamné (1829) et Claude Gueux (1834), et Quatrevingt-Treize (1874), roman de la maturité relatif à la Terreur révolutionnaire. Quoique mues par la même sensibilité progressiste, notamment synonyme de réformisme pénal, d'abolitionnisme et de légitimation de l'action révolutionnaire, ces oeuvres proposent des représentations divergentes de la "corporalité" qui sous-tend la peine capitale. Là où, dans Le Dernier Jour, le corps du condamné semble absent, anonyme, annexé par l'esprit mais aussi déplacé et démembré dans la langue même de la narration, la physiologie de Claude Gueux s'impose (et expire finalement) comme une entité immédiatement visible, lisible, et complète. Deux techniques poétiques antagonistes servent ici le dessein abolitionniste de l'auteur: l'une montre de manière discrète et indirecte le corps condamné défait, perdu, soit donc son aliénation allant de pair avec la détresse morale du sujet avant même le moment de l'exécution; l'autre, didactique, guide le lecteur dans son indignation face à la mise à mort d'un corps dont l'épaisseur et l'identité, uniques et aimables, sont soulignées à grands traits. Le corps qu'Hugo associe à la peine de mort sous la Terreur est, lui, dédoublé, et contrarie les deux poétiques abolitionnistes précédentes — divergentes dans leur forme mais univoque dans leur message. En effet, si Quatrevingt-treize renvoie d'abord à la morphologie, repoussante et presque indéchiffrable, d'un objet, la guillotine, le roman se tourne in fine vers son image inversée: le corps du condamné (Gauvain, à la fin du roman) transfiguré en une incarnation christique sublime avant que le protagoniste n'abandonne sa vie physique pour se faire être purement politique ou bios (à travers sa seule voix militante: "Vive la République!"). Le roman hugolien du terrorisme use donc paradoxalement de la peine capitale pour sanctifier les acteurs et l'iconographie révolutionnaire, contrariant ainsi par le biais d'un topos romantique les stratégies poétiques abolitionnistes développées au début de la carrière de l'auteur.
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Telling Terror/isms in Modern and Contemporary French and Francophone Literature 01 septembre 2015 - 30 juin 2016 |
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