La guerre comme zone de contact au XIXe siècle
Colloque international organisé par Jasper Heinzen (résident 2017-2018 de l'IEA de Paris), Mareike König (IHA Paris) et Odile Roynette (Université Bourgogne Franche-Comté)
Présentation
L’histoire militaire a accompli un long chemin depuis les cinquante dernières années. Une chaîne de télévision populaire, comme History Channel, ainsi que les biographies des grands généraux présentes dans les rayons de nombreuses librairies, pourraient faire croire, à première vue, que ce domaine est toujours accaparé par des historiens fascinés par leur objet et tournés vers un public majoritairement conservateur. Cependant, l’émergence de la nouvelle histoire-bataille et celle de l’histoire culturelle de la guerre ont considérablement enrichi notre compréhension du phénomène guerrier. Nous connaissons aujourd’hui beaucoup mieux que naguère la multiplicité des liens qui relient l’armée et la société, tout comme les modalités de la confrontation des soldats et des civils à la violence. Nous savons qu’au lieu d’être une situation exceptionnelle et marginale, la guerre constitue un des facteurs les plus puissants d’évolution à l’intérieur d’une société. Il suffit de prendre un seul exemple marquant venu des temps modernes : celui de la conscription. L’introduction du service militaire universel depuis la fin du XVIIIe siècle n’a pas seulement transformé la manière dont les sociétés occidentales ont expérimenté leur rapport à la nation, elle a aussi construit une vision qui excluait les femmes des affaires de la cité, dans la mesure où, incapables d’accomplir leur service, elles ne pouvaient accéder aux avantages de la citoyenneté. De même, l’émergence de l’État providence est impensable si on ne prend pas en considération les revendications adressées dans le sillage des campagnes militaires par les soldats-citoyens blessés et démunis à leur gouvernement
Alors que les conflits armés sont indéniablement destructeurs sur le plan humain et matériel, ils ont également eu des répercussions positives inattendues. L’historienne allemande Ute Frevert a judicieusement qualifié les guerres « d’événement inter et transnationaux par excellence » dans la mesure où aucun autre phénomène – à l’exception des migrations – ne met en contact aussi étroit un aussi grand nombre d’individus. Napoléon a échoué à fonder un Empire européen durable, mais les vétérans de la Grande Armée ont pu se vanter d’avoir acquis une familiarité avec toute l’Europe après avoir marché sur tout le continent pendant un quart de siècle. Bien entendu, quand de telles quantités d’hommes entrent en contact ou interagissent avec les civils, la nature de ces rencontres diffère profondément. Certaines peuvent être pacifiques et propices à la formation d’une connivence qui peut se transformer en « fictive kinship » (Jay Winter) entre soldats, tandis que les atrocités et les exterminations de masse se situent à l’autre extrémité du phénomène. Les deux bouts du spectre ont fait l’objet de nombreux travaux pendant les dernières décennies, grâce à un processus de fertilisation croisée des approches interdisciplinaires. Il n’est par exemple plus pensable d’aborder le moral et l’efficacité des troupes au combat sans se référer aux approches sociologiques et anthropologiques qui expliquent l’esprit de corps. De même, les recherches concernant les crimes de guerre ont souligné l’utilité d’une analyse précise des facteurs psychologiques à l’origine de la violence et d’une prise en compte du rôle joué par l’espace dans lequel elle se déploie. Enfin, les apports de l’histoire transnationale et globale nous rappellent que toute lecture de la guerre en terme de rencontre doit s’appuyer sur un solide soubassement en l’histoire culturelle, tout particulièrement afin de cerner l’évolution des formes de la communication et de transferts de connaissance.
Fondés sur ces présupposés, cette journée d’étude se propose d’initier un débat sur les formes de la rencontre et celles des transferts en temps de guerre pendant un “long dix-neuvième siècle” (1789-1914). Dans un deuxième temps, nous souhaitons travailler sur la manière dont les historiens utilisent les nouvelles méthodes numériques et transforment les études de cas de façon à rendre leurs résultats plus largement accessibles. Le choix de cette période est déterminé par la richesse de ses multiples innovations dans des domaines comme la communication, les transports de masse, l’armement, le droit international concernant la conduite de la guerre, qui ont alimenté une fructueuse réflexion sur le fait de savoir si le XIXe siècle ouvrait la voie à la totalisation de l’activité guerrière ou s’il devait être évalué en ses propres termes.
Programme
Jeudi 28 juin
Institut d'études avancées de Paris
15h30 - 15h40 Mots de bienvenue
Gretty Mirdal (Directrice de l’IEA Paris) et Stefan Martens (Directeur adjoint de l’IHA)
15h40 - 16h10 Introduction
Jasper Heinzen, Mareike König, Odile Roynette
16h15 - 17h45 Séance 1 : ‘Rencontres rapprochées entre ennemis’
Présidente : Odile Roynette
When soldiers met the locals: the Balkan Wars as a contact zone among combatants and non-combatants
Panagiotis Delis (Athens/Burnaby)
Confrontation of “formless” formations? Thinking and making physical contact on the post-Franco-Prussian War “modern” battlefield
Jean-Philippe Miller-Tremblay (Paris)
17h45 - 18h00 Pause
18h - 19h10 Keynote : War as contact zone: a useful concept of analysis?
Jasper Heinzen
Vendredi 29 juin
Institut historique allemand
9h00 - 10h30 Séance 2 : Souffrances partagées en temps de guerre
Présidente : Mareike König
Rencontres entre militaires blessés et civils à l’époque napoléonienne
Nebiha Guiga (Paris)
Les hôpitaux maritimes français pendant la guerre de Crimée : Des espaces de contacts (1854-1856)
Benoît Pouget (Aix-Marseille)
10h30 - 11h00 Pause
11h00 - 12h30 Séance 3 : ‘Mobiliser une société pour la guerre : le cas italien’
Président : Jürgen Finger
Defeat as opportunity. The debate on the need for a militarised society in Italy from the Risorgimento to the First World War
Marco Mondini (Trient)
The armée comes to town. Social problems of military presence and barracks supplying in the Napoleonic Kingdom of Italy (1805-1814)
Vittoria Princi (Oxford)
12h30 - 14h00 Pause déjeuner
14h00 - 15h30 Séance 4 : ‘Rencontres asymétriques dans la guerre imperiale’
Président : Jasper Heinzen
Inter-imperial contact zones and military occupations in Boxer-War China: Beijing and Baoding (1900 – 1901)
Dominique Biehl (Basel)
Closing Pandora’s Box? Anglo-French cooperation to contain the sinews of war in the Caribbean, 1803–1810
Flavio Eichmann (Bern)
15h30 - 16h00 Pause
16h00 - 17h00 Discussion finale
⚠ La journée du 29 juin se tiendra à l'Institut historique allemand, 8 rue du Parc Royal, 75003 Paris
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La quête d'une guerre civilisée : prisonniers de guerre et le concept d'honneur militaire en Europe occidentale, 1750-1918 01 septembre 2017 - 30 juin 2018 |
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