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Femmes en Négritude : Paulette Nardal et Suzanne Césaire

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Tanella Boni, « Femmes en Négritude : Paulette Nardal et Suzanne Césaire » dans Rue Descartes, Négritude et philosophie, 2014/4, n° 83, p. 62-76.

Extrait de l'article

Dans les années trente et quarante, la cartographie de la Négritude n’est pas homogène. Si les figures marquantes sont bien connues - Césaire, Senghor et Damas - que dire de la configuration du mouvement ? Car tout mouvement de pensée est une dynamique dans laquelle de multiples drames, parfois familiaux, se jouent. Quels sont les autres personnages éclipsés par la proximité et/ou la toute-puissance des « pères » ? Mon interrogation porte sur la généalogie de la Négritude au cœur de laquelle la domination des « pères fondateurs » est à l’œuvre.

Quelques éléments de biographie ainsi que des témoignages rapportés çà et là brossent le portrait de « femmes en Négritude » : Paulette Nardal, penseuse de la « conscience de race » et Suzanne Césaire, défenseuse d’un surréalisme qui explore l’expérience particulière de brassage et de métissage aux Antilles. On pourrait s’étonner de leur silence après une période très féconde autour de deux revues : La Revue du monde noir (1931-1932) que Paulette Nardal a cofondée avec d’autres et Tropiques (1941-1945) où Suzanne Césaire a joué un rôle de premier plan et publié l’essentiel de son œuvre. Pourtant, malgré la faiblesse supposée de leurs corps, elles ont été, leur vie durant, des résistantes et des battantes pour la cause des femmes mais aussi du point de vue de la pensée littéraire, artistique et philosophique. Si l’une et l’autre dénoncent l’assimilation qui, entre autres, produit une littérature et une poésie d’imitation, elles accordent une place de choix à la part africaine présente dans l’histoire des Caraïbes. Cette part insaisissable est à la fois biologique, culturelle et historique chez Paulette Nardal ; et, chez Suzanne Césaire, qui pense avec Leo Frobenius, Alain et André Breton, plus géographique, esthétique et cosmique. Leurs rôles intellectuels et sociaux - de médiatrices par exemple - ainsi que leurs écrits, font partie des lignes de fuite, mais aussi des points de rencontre entre négritudes qui s’opposent ou s’imbriquent les unes dans les autres. Il s’agit d’une dynamique qui relève d’expériences particulières s’articulant à différents niveaux, aussi bien pratiques que théoriques, en vue de la construction d’un « nouvel humanisme ».

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