Tenace, brutal, satisfait de sa personne, mais par-dessus tout spontané
Sylvain Cypel, entretien avec Mark Lilla, résident 2014-2015 de l'IEA de Paris.
Extrait
Comment qualifieriez-vous d’une phrase la campagne de Donald Trump ?
Le fauve est lâché.
Donald Trump est-il un populiste de droite ? Un Berlusconi à l’américaine ? Un conservateur révolutionnaire ? Un fasciste façon Mussolini ? Ou rien de tout cela ?
Il y a effectivement des parallèles à faire entre Trump et Berlusconi, et même entre Trump et Mussolini. Mais Berlusconi a incarné l’homme d’affaires réaliste, pas le populiste de droite – position préemptée par la Ligue du Nord. Et Mussolini avait une ligne politique cohérente. Trump se contente d’être dans la libre association et ce qu’il répète finit par devenir sa « position ». Nul ne verra de cohérence dans ses « politiques » extérieure et intérieure. Ici encore, si l’on veut trouver les parallèles adéquats, il faut se tourner vers l’Imaginaire américain. D’abord, il y a le mythe du solitaire qui dit à chacun ses quatre vérités. Combien de films américains montrent un homme seul qui, bravant l’ignorance, l’indifférence, la corruption d’une institution ou l’opinion publique, parle vrai face au pouvoir et a finalement raison contre tous ? Quelqu’un qui dit « les choses comme elles sont ». Le film de Frank Capra Monsieur Smith au Sénat, dans lequel un simple citoyen, incarné par James Stewart, tient tête au Sénat américain, constitue un modèle en la matière. Trump, homme riche et puissant, a étonnamment su se couler dans ce rôle.
Mais il y a également le mythe tout aussi puissant du charlatan qui parvient à mener par le bout du nez un public crédule dans le but de satisfaire ses propres ambitions. Ainsi dans le superbe film d’Elia Kazan Un homme dans la foule, un chanteur de musique country déniché en prison réussit grâce à son charme et à son ambition à devenir animateur de télévision, puis leader démagogue d’un mouvement politique populiste, avant de précipiter sa chute. L’histoire était une allégorie des années McCarthy. Elle l’est plus encore du phénomène Trump.
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