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Revue de presse

L'idéologie de la diversité a effacé le grand récit de l'histoire américaine

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Le Figaro.fr - FigaroVox, 15 novembre 2016

, entretien avec Mark Lilla, résident 2014-2015 de l'IEA de Paris.

Extrait

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - L'historien américain des idées a accordé un entretien fleuve au FigaroVox. Pour le professeur de Colombia, l'élection de Donald Trump à la Maison-Blanche a mis en lumière les limites et les dangers de la politique des identités particulières.


Mark Lilla est un politiste, historien des idées et journaliste américain né en 1956. Professeur d'Humanités à l'Université de Colombia, spécialiste de l'héritage des Lumières, il vient de publier The Shipwrecked Mind (éd. New York Review Books, 2016).


FIGAROVOX. - L'élection de Donald Trump marque-t-elle la fin d'une ère?

Mark LILLA. - Donald Trump me fait penser au funambule Philippe Petit qui traversa les Twin Towers en marchant sur un câble tendu entre les deux sommets des tours. Nous retenons tous notre souffle en attendant de voir s'il réussit sa prestation… ou s'il s'écrase au sol. Dans l'un comme dans l'autre cas, cela fait un carton. Plus pragmatique qu'idéologue, il est toujours sur un fil et réagit en fonction des événements. Dès lors, il est difficile de prédire sa politique. Son élection marque d'abord la fin de l'ère de la politesse dans la politique américaine. Tous les systèmes politiques, y compris démocratiques, comportent des tabous. Il y a des choses qu'on ne peut pas faire, des mots qu'on ne peut pas dire. Donald Trump a fait sauter tous les tabous jusqu'à verser parfois dans la démagogie pure et dure. La question pour l'avenir est de savoir si Trump est une exception ou s'il va redéfinir les codes politiques pour les années futures.

Est-ce la fin du politiquement correct?

Il ne faut pas confondre politiquement correct et politesse. Le premier va de pair avec la politique des identités et est censé ménager la susceptibilité des minorités. Cette politique communautariste est très profondément enracinée, non seulement dans le parti démocrate, mais aussi dans les écoles, les universités et dans la presse. Ma nièce vient de se postuler à l'université. Voici le formulaire qu'elle a dû remplir. «Tout le monde appartient à une communauté différente déterminée par la géographie, la religion, l'ethnicité, l'idéologie. Choisissez la communauté à laquelle vous appartenez et décrivez votre place au sein de cette communauté.». Les jeunes américains ont été formés dan cette atmosphère politiquement correcte et beaucoup ne voient le monde qu'à travers le prisme de l'identité. Chez eux, tout tourne autour de la définition de leur «moi». Lors de mon retour aux États-Unis, après un an passé à Paris délibérément coupé des médias américains, je me suis rendu compte à quel point nous étions obsédés par ces questions. Même dans le reportage sur les pays étrangers. Je me souviens, par exemple, d'un article sur le sort des transsexuels en Égypte. Un sujet passionnant, sans doute, mais pas un enjeu central pour cette région du monde. Le politiquement correct est devenu une nouvelle forme de provincialisme américain, encore une excuse pour ne pas apprendre l'histoire et essayer de comprendre l'autre comme il est. L'élection de Trump ne va pas changer cette mentalité.

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