Staging the Limit: Albert Camus’s Just Assassins and the Il/legitimacy of Terrorism

Ève Morisi, “Staging the Limit: Albert Camus’s Just Assassins and the Il/legitimacy of Terrorism”, in Peter Herman (ed.), Critical Concepts of Terrorism, Cambridge, Cambridge University Press, 2018, pp. 263-280

Résumé

Ce chapitre propose une étude approfondie de l'une des œuvres littéraires les plus célèbres du XX^e siècle sur le terrorisme : la pièce de Camus, Les Justes. Il soutient que, par le biais d'une forme littéraire hybride, Camus crée une fiction dans laquelle et à partir de laquelle réfléchir sur les conditions dans lesquelles une violence politique organisée et meurtrière pourrait être légitimement exercée. L'auteur a recours à un genre qui emprunte à la tragédie, au mélodrame et à la comédie noire pour réécrire les événements de 1905 en Russie et donner vie à des terroristes héroïques qui combattent un pouvoir despotique, et qui à la fois tuent et ressentent le meurtre en même temps. Il en résulte la représentation d'une forme modèle de terrorisme - un terrorisme de limites et à la limite.

S'inspirant de la pensée théorique de Camus sur le théâtre et les concepts de limite et de révolte, et resituant Les Justes dans le contexte de l'histoire européenne du milieu du XX^e siècle, Ève Morisi montre que l'appropriation de l'histoire russe par Camus permet la critique implicite du terrorisme " progressiste " d'Etat et de parti que certains de ses contemporains ont défendu à la fin des années 1940. Mais elle établit aussi que le terrorisme idéalisé et réticent mis en scène dans Les Justes repose sur une légitimité fragile niée par le peuple et ses victimes collatérales, et se trouve problématisé par le spectre final de la violence mimétique. Même dans l'espace soigneusement conçu de l'acceptabilité du terrorisme révolutionnaire dont la pièce maximise les limites et la noblesse, l'écriture de Camus souligne le danger qui plane sur une terreur discriminante destinée à s'émanciper. Elle pose subtilement la question de sa dégénérescence potentielle en une violence organisée qui pourrait ressembler au terrorisme d'État en oubliant que le meurtre institutionnalisé est sa cible initiale et son contre-modèle.

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