Le régime des écrans est-il un “régime scopique”? Sur quelques problèmes de l’historicité de la perception
Communication d'Andrea Pinotti, résident 2017-2018 de l'IEA de Paris, dans le cadre du colloque international "Des pouvoirs des écrans", organisé par l’Université Jean Moulin Lyon 3, sous la direction de Mauro Carbone, avec la collaboration d’Anna Caterina Dalmasso et Jacopo Bodini.
Résumé
La philosophie a commencé à réfléchir sur le statut du cadre du tableau (Simmel 1902, Ortega y Gasset 1921) au moment où les aventures des avant-gardes allaient défier radicalement ce dispositif d’isolement de l’image, jusqu’à sa totale déconstruction et dissolution. On se demande si aujourd’hui une considération pareille peut être avancée en ce qui concerne un dispositif parent du cadre, l’écran, qui fait l’objet d’une intense exploration conceptuelle par la screenology (Huhtamo 2004). Les développements récents des techniques de production des images – surtout en ce qui concerne les réalités virtuelles immersives et interactives – ont produit un effacement surprenant du seuil qui sépare le monde iconique du monde réel. L’image se transforme progressivement dans un milieu, un environnement multi-sensoriel qui stimule chez le sujet percevant un sentiment très fort de présence, d’« être-là » : la structure spatio-temporelle de l’image, loin d’être isolée dans une dimension autoréférentielle, se propose comme un continuum cohérent avec le rythme chronotopique du spectateur. Ceci se modifie corrélativement : d’observateur visuel (qu’il était), il devient un sujet qui expérimente, un véritable experiencer.
Le rôle joué par le sentiment de présence problématise le paradigme traditionnel des théories occidentales de l’image (de la doctrine platonicienne de la mimesis à la théorie phénoménologique de la conscience d’image ; de la sémiologie à l’iconologie, aux théories analytiques de la « depiction ») ; la représentation. Selon ce paradigme, les images sont toujours « images-de » quelque chose qui n’est pas à son tour une image, mais qui appartient plutôt à la réalité. Le concept de représentation manque précisément la question clé des environnements virtuels contemporains : la présence. Une présence qui est favorisée par une tendance de plus en plus insistante à la transparence du medium, à la immediatedness.
Mon intervention vise à considérer ce paysage à la fois théorique et pratique à la lumière de la notion très controversée de « régime scopique » élaborée par Christian Metz (1975) dans le domaine de l’approche psychanalytique de l’image cinématographique, et puis développée par Martin Jay (1988, 2011) comme catégorie applicable aux études visuelles en général. L’examen critique de cette notion permettra de situer la question des écrans et de leur déconstruction contemporaine dans le contexte épistémologique de l’historicité de la perception.
Plus d'informations (site du colloque)
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Hyperimage. Simulation, immersion et le défi des environnements hyperréalistes 01 septembre 2017 - 30 juin 2018 |
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