Le « centre » et la « périphérie » dans l’histoire religieuse de l’Europe de l’Est au commencement des temps modernes
Colloque organisé par l'IEA-Paris et l'Université Paris VIII
Coordination scientifique : Alexandre Lavrov, Université Paris VIII
Présentation
En partant des différentes lectures du « centre » et de la « périphérie » (Braudel, Wallerstein, Shils), les auteurs proposent de suivre le rôle des centres et des périphéries dans l’histoire religieuse de l’Europe de l’Est. Les « centres » sont compris par les auteurs plutôt comme les « systèmes de valeurs » prétendant à la domination culturelle et religieuse, que comme les centres spatiaux. Trois études des cas choisis – le métropole de Kiev, les gréco-catholiques et les Vieux-Croyants russes – permettent de suivre pour chaque culture religieuse non seulement l’importance de l’émancipation à l’égard des anciens « centres », mais aussi la création des nouveaux centres. Les sources principales sont les actes des procès pour sorcellerie et les listes des pèlerins. Le projet prévoit la publication d’un recueil d’articles et d’une édition commentée des sources.
Le projet est consacré à l’étude des procès pour sorcellerie et à celle des pèlerinages en Europe de l’Est au commencement des temps modernes. Les auteurs posent la question de savoir si les notions de « centre » et de « périphérie » permettent de mieux analyser ces phénomènes complexes. En ce qui concerne les procès pour sorcellerie, on parle souvent du « centre » et de la « périphérie » dans le cadre de deux modèles.
Il s’agit, premièrement, du modèle de l’acculturation, c’est à dire du modèle selon lequel les procès pour sorcellerie furent présentés comme un des moyens principaux de la « conquête » de la « périphérie retardée » par le centre, conscient de sa prétention à la domination culturelle et politique. À cette lecture les auteurs espèrent opposer une vision plus détaillée et nuancée, surtout en s’appuyant sur l’exemple des procès pour sorcellerie, pendant lesquels les Ukrainiens étaient à la fois témoins et accusés. On y voit toujours la même « périphérie » (un système de représentations et de pratiques, qu’on peut caractériser comme « magie populaire » ukrainienne) confrontée à plusieurs centres ecclésiastiques et étatiques (russe, polonais, catholique, orthodoxe). Les relations réciproques se structurent parfois comme un conflit, et parfois comme une cohabitation.
Il s’agit deuxièmement du modèle du « centre » et de la « périphérie » européens, proposé par Hennigsen et Ankarloo dans le recueil d’articles (1993). Ici le centre (qui est aussi le centre spatial de l’Europe et largement associé aux territoires du Saint Empire Germanique) se caractérise par une persécution très intense, tandis que les périphéries (les pays baltes et la Scandinavie) sont marquées par une persécution assez faible. Les auteurs du projet se demandent si le classement de la Pologne, de l’Ukraine et de la Russie dans la catégorie de périphérie européenne permet de mieux comprendre les phénomènes. A sa place, ils envisagent l’existence d’un type particulier de persécution de la sorcellerie, typique de l’Europe de l’Est, qui se caractérise par la faible intensité de la persécution et par le faible engagement des institutions ecclésiastiques (ce qui s’explique par le caractère pluriconfessionnel des populations). Un sérieux contre-argument souligne le profil différent des accusés (en majorité de sexe féminin en Pologne, en majorité de sexe masculin en Russie).
Le deuxième axe du projet – les pèlerinages – suit la même logique de centres et de périphéries. La formation d’un nouveau culte (d’une icône ou de reliques) affirme un nouveau centre, qui entre en concurrence avec les centres existant. Les systèmes qui se forment alors ne sont pas « fermés », mais se superposent (ainsi, les Vieux-Croyants viennent prier dans les sanctuaires orthodoxes, etc.).
Le projet prévoit la publication d’un recueil d’articles et d’une édition commentée des sources.
Aleksandr Lavrov, professeur à l’Université Paris VIII - Saint-Denis
Membres du groupe :
Urszula Cierniak, professeur-assistant à l’Académie Jan Deugosz à Częstochowa (Pologne)
Kateryna Dysa, maître de conférences à l’Académie Mohyla (Kiev, Ukraine)
Valerie Kivelson, professeur à l’University of Michigan (Ann Arbor, Etats-Unis)
Elena Smilyanskaya, professeur à l’Université d’Etat des sciences humaines (Moscou, Russie)
Christine Worobec, professeur à Northern Illinois University (DeKalb, Etats-Unis)
Chercheurs associés résidant à Paris :
Robert Muchembled (Université Paris XIII, Paris-Nord)
André Filler (Université Paris VIII - Saint-Denis)
Programme
9.00 - Kateryna Dysa (Académie Mohyla, Kiev)
As far from the centre as it can get or What is peripheral about Ukrainian witchcraft trials of the 17th-18th centuries
9.40 - Christine Worobec (Northern Illinois University, DeKalb)
Late Russian Witchcraft Cases in a European Perspective
10.20 - Daniel Tollet (Université Paris IV)
Le pèlerinage de Mikołaj-Krzystof Radziwiłł en Terre Sainte (1582-1584)
11.00 - Urszula Cierniak (Académie Jan Długosz à Częstochowa)
Le centre et la périphérie dans les discussions entre orthodoxes russes et catholiques au XVIIIe siècle
14.30 - Aleksandr Lavrov (Université Paris VIII)
À la périphérie de l'Europe de l'Est : la persécution de la sorcellerie en Lituanie
15.10 - Elena Smiljanskaja (Université d'Etat des sciences humaines à Moscou)
Confessional Counsels and Vernacular Religion : The Case of Russian Old Belief
16.00 - Georgij Šepelev (Université Paris VIII)
La persécution de la sorcellerie dans la Russie ancienne
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