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«Femmes à Boches», au champ du déshonneur

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Libération, 12 juin 2019

Par Yannick Ripa, au sujet de la dernière publication d'Emmanuel Debruyne, résident 2014-2015 de l'IEA de Paris, « Femmes à Boches ». Occupation du corps féminin, dans la France et la Belgique de la Grande Guerre (Les Belles Lettres, 2018)

Extrait

À partir d’écrits privés datant de la Première Guerre mondiale, Emmanuel Debruyne étudie le sort réservé aux femmes du nord de la France et de Belgique qui eurent des relations sexuelles, consenties ou non, avec l’occupant.

«Nous voyons des femmes passer les mains attachées derrière le dos, les cheveux coupés ras avec des ciseaux vengeurs.» Cette scène ne se déroule pas à la fin du second conflit mondial, mais en octobre 1918 à Roubaix, lors d’«une chasse aux femmes qui ont trahi mari et frère pour se livrer aux pires débauches avec les Allemands». Emmanuel Debruyne bouleverse ainsi la chronologie de ce déchaînement expiatoire, ultime phase de la nationalisation du corps des femmes en temps de guerre. Il lève un long tabou. On peut en attribuer la longévité d’une part au fait que cette pratique ne concerne que les territoires occupés, la Belgique et le Nord français, longtemps peu ou pas étudiés sous cet angle ; d’autre part à la volonté d’épargner la mémoire de ces habitants, soupçonnés dès leur exode vers la France intérieure d’«embochisation». Sortir des rumeurs et des jugements à l’emporte-pièce, tout en en analysant la genèse et l’usage, telle est la finalité de l’étude de Debruyne : elle intègre les travaux nés du renouvellement de l’historiographie sur la Grande Guerre en les enrichissant d’écrits privés. Les journaux intimes, libres a priori de toute autocensure, se révèlent plus riches encore que les fonds épistolaires.

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