Communication présentée dans le cadre de la séance "Rabelais Anthume" du colloque international "Inextinguible Rabelais". Ce colloque est organisé par l'Atelier XVIe siècle de Paris-Sorbonne (dirigé par Mireille Huchon) en partenariat avec le Musée national de la Renaissance et les universités de Harvard et d'Oxford.
Présentation du colloque
Inextinguible Rabelais!
Sa « soif de paternité » fut telle que, dans un divin fou-rire, l’Homère bouffon se paya le luxe d’ « embesoigner à soy la posterité », comme le dirait Montaigne. C’était pousser le bouchon un peu loin, peut-être — certes en vin, non en vain. Soif ardente, rire qu’on n’étouffe point, verve qu’on ne fera pas taire, flamme qui ne s’éteindra jamais : les « bienyvres » n’avaient-ils pas promis quelque éternité de beuverie ? Le « Pantagruelion Asbeste », inaltérable, ne valait-il pas la royale salamandre alors sous les feux de la rampe ? Avis aux Lychnobiens, « vivans de lanternes », qu’ils soient heureux soiffards ou pompiers pyromanes : qui oserait se targuer aujourd’hui, avant son propre épuisement, d’étancher la veine perpétuelle des livres de Maître François ? L’espoir, bien sûr, se trouve au fond du fût : voi-là ce qu’entonnent Tantale et les Danaïdes. Nul ne meurt de soif auprès du tonneau inexpui- sible. Quant à Nasier lui-même, il était loin de flairer qu’on mettrait un jour l’amiante (cette « pierre ἄσβεστος ») à la lanterne. À moins qu’il n’ait prévu de loin, depuis le pont brûlant de sa Thalamege, que l’ « ardent lychnion faict part de lin asbestin » (c’est clair comme du Lanter- nois), ce lumignon illuminant son Temple de la Bouteille, nous aveuglerait tous ?... Rabelais, phare indestructible dans la mer vineuse des lettres françaises. Mais — lampadophore no- nobstant — ce que le visionnaire ne pouvait deviner, malgré le secours du vin de la Devi- nière, c’est qu’une foule dipsodique de « Sor- billans, Sorbonagres, Sorbonigenes, Sorbo- nicoles, Sorboniformes, Sorbonisecques, Niborcisans, Borsonisans, Saniborsans » du monde entier se réunirait en Sorbonne et au Château d’Écouen pour fleurer, voir et boire son texte à nouveau(x) frais.